
La main droite de Tyr
Les croyant pensent souvent à tors que les Dieux sont intangibles, logiques et constants. Des entités surpuissantes désincarnées et libérée des tourments des mortels. Pour les initié aux secrets des Dieux, rien n’est plus faux. Les Dieux, comme les mortels, ont une histoire, un passé. Ils grandissent en force et en sagesse, à mesure que le temps passe. Et parfois, ces histoires sont oubliées, perverties, refaçonnées pour mieux conforter ce que représente le Dieu tel qu’il est devenu.
Telle est l’histoire de la main droit de Tyr. La légende telle qu’actuellement racontée explique que Tyr perdit sa main droite face à Kezef le Chien du Chaos dans un test de son honneur et de sa force de volonté. Le Cercle des Grandes Puissances avait auparavant interdit à tous les mortels et tous les pouvoirs tout contact avec Kezef, mais lui était toujours libre de consommer des âmes, et une coalition de dieux réunis pour arrêter le Chien du Chaos une fois pour toutes. Cette alliance comprenait Tyr. Ils ont poursuivi la bête primordiale aux Terre de laFfatalité et du Désespoir où ils lui ont offert un marché. Ils cesseraient de la poursuivre s’il pouvait échapper à des chaînes forgées pour lui par Gond. Kezef a insisté sur le fait que si c’était vraiment un défi équitable Tyr devrait être prêt à placer sa main droite dans la bouche du molosse. Tyr fut d’accord. Kezef fut enchaîné, la chaîne fut ancrée profondément dans le sol et Mystra plaça un enchantement pour empêcher que la chaîne ne soit jamais coupée. Furieux, Kezef a mordu la main de Tyr.
Cette histoire laisse une place importante au courage et au sacrifice de Tyr. Il sacrifia sa main droite, son membre le plus précieux, pour sauver le monde de la destruction.
Mais, cette histoire a été largement réinterprétée au fil du temps. D’autres version existent, au nombre desquelles il existe l’histoire de la main rouge invisible de Tyr.
Pour bien comprendre cette histoire, il faut rappeler qu’à l’époque de la grande chasse des Dieux contre le Kezef, les hommes vivaient majoritairement en tribues, parfois nomades, et souvent réduites en taille. Les temps étaient durs et les hommes ne connaissaient pas la civilisation. C’était des temps sauvages, et violents, et les Dieux étaient à l’image de ce temps.
Kezef menacait tous ce que les Dieux avaient construits, et même leur existence. Il leur fallait donc mettre un terme à cette menace. Une grande chasse fut alors organisée, et Tyr en faisait bien parti. La bête acculée était plus dangereuse que jamais, et beaucoup de dieux manquèrent le courage qu’il fallait pour s’attaquer à la bete pour lui porter de coup fatal. Tyr ne manquait pas de courage, mais il savait qu’en s’attaquant à la Bête en nombre insuffisant, il ne pourrait survivre à l’assaut. Ne trouvant pas de compagnon de combats en nombre suffisant, il se résolu à mettre en oeuvre le plan proposé par Gond, qui n’était pas un combattant valeureux, mais un allié rusé. Gond fabriqua des chaines incassables qui pourraient retenir Kezef pour l’éternité. Tyr parti alors pour enchaîner la Bête, accompagné de Mystra qui devait enchanter les chaines pour qu’elles puissent tenir la Bête en échec.
Tyr délivra un combat épique, puisa dans son adresse et sa force d’âme pour mettre le Chien du Chaos à genou. Au terme du combat, par les effort combinés de Tyr et Mystra, le Chien fut alors enchaîné, et malgré ses efforts pour se libérer, Kezef dut renoncer à sa liberté. C’est à cet instant qu’il s’adressa à Tyr en des terme semblables à ceux-çi: « Tyr, tu te dis Dieu de la Justice, mais que fais-tu de ceux à qui il ne sera jamais fait justice. Que fais-tu pour les victimes de crimes qui ne pourront jamais être punis faute de preuve? Comment peux-tu accepter de laisser hors de porté de ta Justice, ceux qui, par chance ou par intelligence, ne pourront être révélé pour ce qu’ils sont? Ta Justice ne s’applique t’elle qu’aux malchanceux et au imbéciles? Et que fais-tu contre ceux qui utiliseront la Loi des hommes à leur avantage ou pour habiller leurs crimes d’une apparence de vertu? ». Tyr fut troublé par les paroles de Kezef, car, bien que la Bête fut un agent de Chaos, elle n’était ni mauvaise, ni ne manquait de sagesse, et les paroles du Chien recélaient, il le savait, une part de vérité qui lui était insupportable.
Tyr pris alors une décision et fit appel à Mystra: elle enchanterai donc sa main droite, celle dont il avait le plus confiance, celle qui ne tremblait jamais, qui était sûre et fiable. Cette main agirai dans l’ombre, ses actes seraint invisibles, inconnus. Cette main pourra donc punir ceux, qui échaperont à la justice des hommes. Mystra accepta de pratiquer l’enchantement, et de garder le secret de la main invisible. Mais, par ce que Tyr avait fait son choix par la sagesse du Chien, la main droit de Tyr devint rouge sang avant d’être enchantée par Mystra.
Ainsi, il existe des sectes, au sein du Temple de Tyr, qui s’affranchissent des règles et des Loi des hommes, afin que la Justice soit rendue…
La Tour des Soupirs
La tour des soupirs était l’une des plus vieilles du monastère. Etroite lance de pierre s’élevant dans le ciel, son austérité n’était compensée que par les rosiers grimpants qui rampaient le long de son flanc ouest.
L’Acolyte savait qu’ici, tout en haut de cette flèche grise qui avait triste réputation au monastère, il allait trouver des reposes à ses questions. C’était d’ailleurs l’objet même de son existence : trouver des réponses. C’est entre ces murs que les acolytes qui avaient des questions mystiques étaient dirigés. Peu nombreux étaient cependant ceux qui osaient braver ses 693 marches pour trouver des réponses. Il fallait, selon une tradition séculaire, emprunter les marches pieds nus, et les marches étaient redoutables : tantôt glissantes, tantôt coupantes, tantôt hérissées de pointes…L’ascension demandait du temps, de la résilience et souvent les acolytes renonçaient rapidement à trouver des réponses à leur question.
L’Acolyte savait qu’il en avait la force, le courage et la détermination. Il monta les marches une à une, priant Tyr, mais ne comptant que sur lui-même. Les pieds douloureux et ensanglantés, il arriva en haut sur un petit pallier au-delà duquel se dressait une porte entrouverte.
– Entre, jeune Acolyte, fit une voix gutturale.
Cette voix grave et solennelle, l’Acolyte savait qu’elle appartenait au frère Tormund, un Paladin de haut rang, maintenant trop âgé pour guerroyer, mais suffisamment sage pour ne pas renoncer à ce qui lui restait d’esprit.
– Merci frère Tormund, dit l’Acolyte.
– Que viens tu chercher en ce lieu ? demanda le vieux frère.
Le frère était assis en tailleur au centre de la pièce circulaire. La robe beige et cyan laissaient deviner un corps solide, mais vouté, et son le capuchon sur sa tête ne permettait d’entrevoir que le bas d’un visage buriné par le temps, que de nombreuses batailles avaient couturé de cicatrices. Bien sûr, comme tout frère Paladin, son épée bâtarde n’était pas loin de sa main.
– Une réponse à une question qui me tient éveillé la nuit, mon frère.
– Bien. Tu as gagné le droit de poser ta question, jeune Acolyte, et j’essaierai de t’apporter la vérité, si tu es prêt à l’entendre.
– Beaucoup d’Acolytes, de frères et même certains clercs prétendent que les prières sont la nourriture des dieux. Est-ce vrai, frère ?
– Précise ta question, jeune Acolyte. Qu’est-ce que cette question évoque en ton esprit ?
– Hé bien, frère, si les prières sont la nourriture des Dieux, alors cela veut dire que plus nous prions, plus ils sont forts, et donc que la prière devrait être notre préoccupation principale, et que la voie qui plait le plus aux Dieux est la prêtrise et non le Palatinat.
– Ainsi voilà ta question, jeune Acolyte, dit le frère, et l’Acolyte pouvait sentir l’irritation dans sa voix, sans vraiment comprendre quelle en était la source. Je comprends la source de ton inquiétude. Et la conclusion à ce que lespières sont la nourritude des dieux est que si nous cessons tous de croire et de prier, alors les dieux pourraient en quelque sorte, mourir de faim. Telle est bien ton inquiétude, jeune Acolyte ?
– Vous avez deviné, frère Tormund. Est-il possible que les dieux meurent ainsi ? Ne sommes-nous qu’une source de nourriture pour eux ? Est-ce pour cela qu’ils nous commandent de prier ?
– Tu es un idiot, jeune Acolyte. Mais je vais essayer de t’éclairer en utilisant l’image que tu emploies, afin que ton esprit simplet puisse me suivre. Les Dieux n’ont pas besoin de besoin physique, comme nous. Par contre, ils ont des besoins mystiques, et les prières que nous leur adressons en font partie. Mais, ce besoin n’est pas vital pour eux. Après tout, nombreux sont les dieux qui existaient avant même que les être pensants existent. Et, bien sûr, leurs dieux de la nature ne reçoivent aucune prière des bêtes des bois ou des plantes. Pourtant, les prières sont bonnes pour les dieux, de la même manière que les épices donnent du gout aux aliments que tu manges. Il plait aux dieux de recevoir ce plaisir que nous leur adressons. Notre ferveur, les mots dans nos bouches et les sentiments dans nos cœurs, changent les saveurs de nos prières, et les rendent, plus forte, plus exotiques ou piquants, tout comme les épices, les herbes et la viande mélangés changent les saveurs de ce que nous mangeons. Les dieux, tout comme nous, aiment à gouter ce qui leur plait, mais aussi à découvrir des nouvelles saveurs. Ainsi, il existe des prières pour la guerre, la paix, l’amour, la douleur et autant de circonstances de la vie, ou de la mort, afin qu’il plaise aux dieux de gouter des saveurs différentes. Ainsi donc, les prières ne nourrissent pas les dieux, mais il leur plait d’en recevoir. Est-ce que tu comprends ?
– Je pense que oui, frère, répondit humblement l’Acolyte.
– Non, tu ne comprends pas. Tu en déduit que le Paladinat reste une forme inférieure d’implication dans le plaisir des Dieux…
– N’est-ce pas ce qu’il faut en déduire ? Si les prières plaisent aux dieux, alors les Clercs, avec leurs prières constantes, leurs plaisent plus, non ?
– Tu entends avec tes oreilles et tu penses avec ton esprit, là ou il faut écouter avec ton âme et penser avec ton cœur. Les dieux n’ont pas besoin de prières constantes et en grande quantité, de la même manière que lorsque tu es rassasié tu n’as pas besoin de plus de nourriture ! Le cadeau de prière leur arrive lorsque ton cœur et ton âme a envi de leur adresser tes pensées et tes actions. Ainsi donc, le retrait, et la prière n’a pas plus ou moins de valeur que labourer un champ ou combattre un ennemi. L’essentiel est dans le sens que tu donnes à ton action. Chaque geste, chaque pensée, ou sentiment peut être une prière, du moment que tu le tourne vers les dieux. Le Paladinat tourne son action vers les dieux, tout comme les prêtres tournent leurs mots vers eux. Les deux sont différents, mais les deux plaisent aux dieux, car chacun apporte une saveur différente.
– Je comprends, frère.
– Vraiment, répondit le frère avec un soupçon de menace dans la voix. A ce timbre de voix, l’Acolyte sentit que de ce qu’il dirait pourrait dépendre de nombreuses choses, et il regarda avec une certaine anxiété la fenêtre d’où le frère Tormund pouvait très bien de faire passer s’il lui en prenait l’envie.
– Oui, frère. Les dieux ont du gout pour nos mots et nos actes, et c’est dans la qualité, la pureté de nos actions ou de nos mots qu’ils reçoivent ce plaisir. Ils n’ont pas besoin de nous, mais aiment à ce que nous leur adressions les plaisirs et les douleurs de nos corps, les peines et les joies de nos cœurs. Ainsi, ils sont à la fois spectateurs et acteurs par procuration de nos vies. Par nous, ils vivent une infinité de vies, une éternité de sensations et de sentiments.
– Bien, bien, tu commences à comprendre…
– Merci frère Tromund, je vais me retirer à présent et vous laisser à vos méditations.
L’Acolyte se dirigea vers la porte, prenant une longue inspiration avant d’emprunter les marches qui lui promettaient un calvaire. La voix du frère Tormund résonna alors un court instant qui changea la perspective de la descente : « Acolyte ! Dédit ton chemin de retour à ton Dieu, qu’il puisse gouter ta valeur et ta force de caractère. Quel est ton nom ? »
L’Acolyte répondit simplement « Amalruil »
Dura lex
– Serais-tu en train de me juger ? demanda avec sévérité le Frère Juge au jeune Paladin.
Le Frère Abrogast était un éminent juge de la cour criminelle de la Porte de Baldur. Il y avait officié durant plus de 10 ans en qualité de greffier, et avait été récompensé de sa patience et de son implication par sa nomination au rang de juge depuis 8 ans. Les tempes grisonnantes et l’absence de cales sur ses mains n’arrivaient pas à faire oublier l’homme robuste et le guerrier qu’il avait été avant de rejoindre le Temple de Tyr.
Avec cette nomination, il parvenait à la plus haute distinction qu’un homme de son éduction et de sa condition pouvait espérer. Sans être un politicien accompli, il avait réussi à s’allier les grâces de personnages important du Temple, c’est du moins ce qu’on avait dit au jeune Paladin. En le regardant le juge, avec son air bonhomme, ses joues rebondies et son regard d’aigle, le Paladin pensa que le Frère Abrogast devait n’avoir eu aucun mal à s’attirer cette sympathie des puissants : plaisant et dégageant une forte impression d’honnêteté, le Frère était sans aucun doute le genre d’homme avec qui tout individu en quête d’une aura de probité devait être vu.
Le Paladin était arrivé pour une « expérience » auprès du Frère juge un mois avant et, dans un silence respectueux, il avait répondu présent à chaque demande du Frère. Tout d’abord, les demandes étaient simples, puis la confiance aidant, le Frère avait confié des taches d’une responsabilité croissante. Le jeune Paladin, soucieux de bien faire, avait exécuté les ordres sans poser de questions, mais sans doute que sa docile obéissance tenait aussi au fait que le Frère Juge l’appellai par son nom de famille plutôt que par son prénom ou par « Frère ». En plus de la forme autoritaire que cette manière d’appeler autrui confère à celui qui s’en sert, elle était clairement la marque que le Frère savait les origines suspectes du jeune Paladin et l’ombre que ces dernières pouvaient porter sur sa réputation.
– Il n’y a pas de doutes dans mon esprit que vous avez pris la décision que vous pensiez être juste, Frère Abrogast, mais je ne peux m’empêcher d’y voir une sévère punition qui s’appuie plus sur des textes sans cœur que sur le bon sens. Répondit le Paladin.
– Donc tu juges ma décision injuste, toi, jeune Sinrieth ? continua le Juge avec un sourire énigmatique.
– Cette dame est veuve, et elle n’a volé que pour se nourrir. C’est illégal, certes, mais ce n’est pas mal !
– Je vais éclairer ta lanterne, jeune insolent, dit le Frère sans se départir de son sourire. Ton courroux vient de ce que tu considères la bonté comme un vertu qui serait au-dessus des autres. Or, notre temple, et notre foi, nous commande de suivre l’un ET l’autre avec une égale nature. Sais-tu pourquoi ? Non ? Parce que légalité et bonté forment les bases d’une vrai Justice, mais sans qu’aucune des deux ne puisse voler une prépondérance à l’autre. C’est dans l’égale mesure des deux dans une décision, qui confère à cette décision la justesse, et donc la justice.
– Ce sont des mots, s’empourpra le Paladin. Cette femme va réellement aller en prison, et seulement pour une moitié de pain rassis ! Ce me semble disproportionné…
– Ahh, c’est ton cœur seulement qui parle, Paladin. Tu dois utiliser aussi ta tête parfois ! Tu ne regarde les choses que par le prisme de cette femme, mais as-tu regardé les autres éléments dans son crime ? As-tu une pensée pour le boulanger qui s’est vu dépossédé de ce qui fait son gagne-pain ? dit le Juge en haussant le ton.
Avec une nouvelle douceur, le juge poursuit. « Cet homme travail dur chaque jour, il se lève aux aurores, en silence pour ne pas réveiller sa maisonnée, et il commence son labeur. C’est un métier fatiguant et il doit le faire chaque jour, non seulement pour pouvoir assurer de quoi vivre à sa famille, mais aussi pour nourrir la population de la ville. Savais-tu que La Porte de Baldur manque de Boulanger et que s’ils ne travaillent pas tous les jours, les habitants viendraient à manquer de pain ? Par son labeur, il survit, mais assure aussi la paix de la ville. Le vol de cette femme a causé un préjudice au Boulanger, mais aussi à la ville.
Ce pain a été mangé, et cette femme est sans ressource. Donc, le préjudice du Boulanger ne sera pas réparer et il en est pour ses frais. Peux-tu imager le ressentiment et la frustration de ce boulanger si nous libérons cette femme ? Comment pourrait-il conserver une quelconque foi en la justice de sa ville dans ces conditions ? J’imagine que la prochaine fois qu’un voleur s’approche de son étale, il aurait probablement envi de se faire justice lui-même. Et tu n’es pas sans savoir que la vengeance n’est pas le propre de la paix sociale, ni d’une société civilisée…On t’as enseigné cela au Temple, n’est-ce pas ?
– Oui, répondit dans un murmure le Paladin.
– Bien ! Et imagine la réaction des autres commerçants de la ville. Quel message cette décision aura pour les autres, qui sont de temps à autre victimes de vol ? J’imagine sans mal leur désappointement et leur soutien à leur malheureux confrère…
Vois-tu, la loi apporte la stabilité et l’harmonie dans la société. Elle est un point sur lequel les hommes et les femmes peuvent s’appuyer pour assurer leur protection, mais qui ne devient tangible et solide que si elle est appliquée conformément au texte de la loi. Sans loi et sans son application, la société devient chaos, désordre, imprévisibilité…ce sont les germes de la guerre, de la violence et du malheur.
– Oui, mais ou est la Bonté dans tout cela ? s’enquit le Paladin avec une fougue renouvelée.
– La Bonté a eu sa part aussi, même si elle te semble moins visible, mais elle n’est pas que de mon fait. Le Boulanger a décidé de ne pas se servir de la sienne lorsqu’il a porté l’affaire devant ma cour. Il savait la condition de cette femme, et la misère dans laquelle elle subsiste. Mais, en son for intérieur, il a décidé qu’elle ne devait pas bénéficier de sa bonté d’âme.
La bonté a aussi été sollicité dans le cœur du Frère procureur, qui lors de son plaidoyer, n’a pas souhaiter intervenir en faveur de la criminelle. Il savait lui aussi les circonstances du crime, il les a évoqués pour expliquer le geste, mais pas pour l’excuser.
– Et la vôtre de bonté ? Elle aussi s’était absenté ?
– Non, jeune Paladin, elle n’était pas absente, mais je m’en méfie. La bonté est un sentiment, profondément humain. Elle rempli de satisfaction celui qui la prodigue et celui qui en bénéficie, mais c’est une amie capricieuse. En l’écoutant elle seule, elle risque de te faire accorder ta confiance aux plus doués menteurs. Elle risque de te pousser à pardonner à ceux qui feignent bien le repentir. Elle peut aussi se dérober lorsque tu fais face à la colère, au dégout, ou au chagrin. La Bonté est très liée à la qualité de tes perceptions et de tes sentiments, mais aussi de la disposition d’esprit dans lequel tu te trouves. C’est une puissante motivation, et une bonne conseillère, lorsque ta perception des choses est objective et que ton esprit est en paix avec lui-même. Et même dans des circonstances idéales, évaluer le cœur d’une personne, c’est un exercice difficile et qui ne relève d’aucune certitude. Et parfois même, faire preuve de bonté envers une personne, conduit à nuire à un plus grand nombre encore, mais je crois savoir que tu es bien placé pour le savoir…
– En effet, grogna le Paladin en baissant les yeux.
– Ainsi donc, je préfère me fier le plus souvent à la loi, pour déterminer si je dois, ou non, punir. Mais c’est dans l’application de la sanction que j’ai fais usage de Bonté : j’ai appliqué une sanction en proportion du trouble public qu’elle a causé. Ma bonté était entièrement tournée vers le plus grand nombre, les habitants de la Porte de Baldur, et non vers cette unique femme. En tout chose, considère l’expression de ta bonté comme devant se porter sur le plus grand nombre. Entre un mince bienfait qui bénéficie à tous, et un grand bienfait qui bénéficie à une seul, choisi le plus grand nombre.
– Et pour cette femme ? Nul bonté pour elle par le tribunal? Nul pardon ? Nul bienfait ?
– C’est triste, Frère Paladin, mais la justice est une affaire publique, et en ce sens, la bonté du tribunal devait aller au plus grand nombre, car le plus grand nombre aurait pâti d’une justice faible. Elle ne passera que quelques semaines en geôles, mais le chef des gardes est un Frère : elle sera bien traitée. A sa sortie, elle aura compris qu’elle doit respecter la loi et elle essaiera de trouver un travail honnête. Et un jour prochain, elle bénéficiera elle aussi de la bonté de ma cour lorsque je condamnerai un meurtrier, un escroc ou un incendiaire…
– Cela me semble dur comme vision, mon Frère…répondit le Paladin d’un ton froid.
